vendredi 5 mars 2010

Sur les pas de LU YU, premier Maître du Thé de l'histoire

Lors de notre dernière formation à l’Institut du thé, Nadia nous a raconté la vie de ce grand homme que fut Lu Yu. Elle a intitulé cette séance : "Sur les pas de Lu Yu", ce qu’elle a fait lors de ses voyages à la rencontre de ce "premier Maître de thé de l’histoire". Je voudrais aujourd’hui partager ce que nous avons appris, comme un beau conte… sauf que celui-ci est vrai. Mais avant cela, j’ai voulu me mettre dans l’ambiance. Après avoir installé ce personnage très présent dans mon salon, j’ai préparé un Pu Er en Gong Fu en repensant à tout ce que j’avais lu sur ce dieu du thé. J’ai voulu relire son œuvre aussi, même si, depuis que j’ai lu chez Nadia une autre traduction (malheureusement épuisée), j’ai compris que celle-ci était loin de traduire la poésie de Lu Yu ; c’est toujours mieux que rien. J’ai alors infusé à nouveau mon Pu Er cuit dans cette grande théière, cadeau de mon mari, de cette manière, je n’aurai à me concentrer que sur ma lecture. J’avais à peine commencé que j’ai eu la visite de mon mari, un 2e bol vite installé et le voilà qui s’extasie devant celui-ci ! "Je n’avais encore jamais vu ceux-là, c’est nouveau ?" Je lui ai rappelé que c’était un des cadeaux de notre adorable belle-fille (j’en parle le 21 février 2008). C’est vrai que je ne les utilise que rarement et seulement pour les Pu Er, ils sont magnifiques mais on ne voit pas la couleur du thé. Je laisse maintenant la parole à Nadia, digne descendante de ce premier Maître de thé de l’histoire.
"1 – SA VIE : (733 – 804)

Naissance à Tianmen dans le comté de Jingling, province de Hubei. Il naquit en 733, dans le contexte tout à fait particulier, au cours de la période la plus forte de la dynastie Tang : épanouissement de la vie culturelle, artistique, sociale (une femme impératrice), et spirituelle avec le fort développement du bouddhisme chan (appelé bouddhisme chinois). C’est pendant cet "âge d’or" de la culture chinoise que la culture du thé connut son épanouissement, sous l’influence de LU YU.
Après avoir rempli les fonctions de médicament, puis d’aliment, le thé fut élevé au rang de l’art. LU YU révéla la dimension culturelle du thé en Chine.
C’est pour cela qu’on lui a attribué, après sa mort, le titre honorifique de "Saint du Thé" pour l’immense contribution qu’il a apporté à l’humanité.

Enfant abandonné, il pleurait tristement sous le "Pont ancien des Oies", au bord d’une rivière, entouré par des oies qui le protégeaient. Il fut recueilli par le maître du temple Long Gai, le moine ZHI JI, qui l’éleva et le prit comme disciple. Pour lui trouver un nom, ZHI JI étudia dans les hexagrammes du Yi Jing (Livre des changements : arts divinatoires). Le nom qu’il choisit signifie : LU : la terre, les continents - YU : plume d’oiseau (l’animal qui s’élève vers le ciel), que l’on peu interpréter comme : L’union de la matière et du spirituel, comme l’a exprimé son œuvre.
Plus tard, LU YU étudiant se choisit un autre nom, comme cela se pratiquait dans la tradition des lettrés: LU HONG JIAN: "l’oie sauvage (Hong) avance graduellement (jian) vers les hauteurs (lu). Ainsi, ses différents noms furent dérivés de l’étude du Yi Jing.
Le moine Zhi Ji (ou Ji Gong), aimait tant le thé qu’il en cultivait un petit jardin autour du temple Long Gai. Pendant son enfance, LU YU appris beaucoup sur la façon de cultiver le thé et de le préparer.
Mais il entra en conflit avec lui et finit par quitter le temple Long Gai et son maître en 745 (il avait 12 ans). Il s’enfuit avec une troupe de comédiens, ce qui représentait la couche la plus basse de la société. LU YU rencontra de nombreuses difficultés au cours de sa vie ; il n’arrivait pas à réaliser ce qu’il souhaitait. Son comportement solitaire n’était pas facile à comprendre pour son entourage. En 746, il sortit de la troupe et commença à écrire de la poésie, et il l’exprima à travers toute son œuvre. En 754, il entreprit son premier voyage à Sichuan, pour l’étude du Thé. Puis il fut contraint de quitter sa région. Il descendit le Yang Zi, jusqu’à Huzhou, dans la province de Zhejiang. Cette région très célèbre pour le thé lui fournit l’occasion de poursuivre ses recherches sur les plantations, les fabrications et la préparation du thé.
Pendant que ses amis composaient des poèmes, LU YU préparait le thé en parfaite collaboration. Ils appréciaient par dessus tout boire le thé "pur", ce qui signifiait "nature", sans aucune épice, fruit ou légume, comme on le préparait habituellement en ce temps-là. Ils abandonnèrent les autres façons de boire le thé. Ainsi commença, grâce à l’initiative de moines et de lettrés célèbres, cette nouvelle façon de boire le thé. Elle fut appréciée de tous, du "Fils du Ciel" jusqu’aux paysans ; on le baptisa "le thé de Lu Yu".
Mais il voyagea également beaucoup et il parcourut de nombreuses autres provinces productrices (Jiangxi, Anhui, Jiangsu…).
2 – SON ŒUVRE : "Cha Jing"

Le Traité du Thé rassemble toutes les expériences sur le thé d’avant la dynastie Tang, et l’épanouissement que connut la culture du thé pendant cette période, au plus haut niveau. C’est un écrit de 7000 sinogrammes, divisé en 10 chapitres :

PREMIERE PARTIE :

1er chapitre : Les origines du thé (yuan) :
sols, climat, eau favorables à sa culture ; caractères du thé ("cha"), fonctions thérapeutiques…

2e chapitre : · Les instruments du thé : outils pour cultiver et pour fabriquer le thé (thés compressés )

3e chapitre : La fabrication du thé : les périodes (lunaires) de cueillette, description des différents types de feuilles de thé et des qualités.

DEUXIEME PARTIE :

4e chapitre : Les accessoires pour la préparation du thé

TROISIEME PARTIE :

5e chapitre : La manière de préparer le thé : Importance de l’eau : la qualité de l’eau : "d’abord, l’eau des montagnes, puis celles des rivières, en dernier, l’eau du puits ;"
· la température de l’eau : "yeux de poissons, collier de perles, la vague"

6e chapitre : La manière de boire le thé :
· yan : déguster le thé : pas seulement pour le goût, mais pour développer une sensibilité et apprécier l’ambiance. "Quand vous buvez le thé, savourez-le, sinon, son parfum se dissipera"
· le rituel du thé : une voie de perfection

7e chapitre : Histoire du Thé depuis l’Antiquité

8e chapitre : Régions productrices de thé

9e chapitre : La préparation du thé selon les circonstances : il préconise le thé dans la nature avec des accessoires simples (lei : simplicité).


3 – L’HERITAGE DE LU YU

Le Cha Jing n’est pas simplement une connaissance sur la plante, ses procédés de fabrication et de préparation. C’est le premier écrit qui intègre une dimension artistique à la préparation du thé, qui devient l’Art du Thé, et qui l’élève ainsi au niveau d’une discipline.

LU YU intègre la spiritualité dans le thé. Boire le thé représente une façon de purifier l’esprit, d’avoir une mentalité à la fois saine et sociale. C’est un élément d’unité : tout d’abord avec soi-même, puis avec la société, et jusqu’à l’univers tout entier.

"Le thé convient aux gens de nobles vertus"

Dès la parution du Cha Jing, la culture du thé se propagea au Japon.
Ce traité fut traduit dans de nombreuses langues.
JIAO RAN mourut en l’an 800. Quatre années plus tard, LU YU fut enterré près de son ami à Huzhou, devant le temple Miao Xi. Ainsi, leur amitié put se poursuivre dans l’au-delà.
Après sa mort, LU YU fut vénéré comme le "saint du Thé".
Et pour terminer cette impressionnante épopée, voici une représentation de Lu Yu. Je l’ai photographiée dans ce beau musée du thé de Pinglin, que bientôt je revisiterai… Merci à toi Nadia, pour tout ce que tu nous apportes pour approfondir nos connaissances de ce monde infini.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai acheté ce livre ce matin et je crois qu'il pourrait bien vous plaire aussi .. Sophie de Meyrac: Contes de la chambre de thé.Ed Albin Michel,coll Espaces Libres (n°220) Voici un extrait de la 4ième de couverture: "Les contes autant que le thé participent du même art : celui de la relation, du partage, de l'être-ensemble. Les contes de la chambre du thé ont le parfum fragile mais combien émouvant d'un au-delà des apparences où le silence émerveille, où les coeurs battent à l'unison"