vendredi 22 mai 2015

22 mai 1967 -22 mai 2015


Cette date, pourtant de plus en plus lointaine, restera à jamais gravée ma mémoire par l'horreur qu'elle évoque. Il m'a falu plusieurs mois non pas pour oublier mais pour accepter d'être une des survivantes et de ne plus culpabiliser ni faire de cauchemars. Sauf la nuit passée. Les circonstances, les cris, les odeurs, le vacarme comme il y a 48 ans. Etudiante à Marie Haps, j'avais rejoint une copine, étudiante à Saint-Louis au restaurant du Bon Marché, mitoyen de l'Innovation pour préparer nos camps lutins avant le blocus. Prise d'une rage de dents, je n'ai pu rien avaler, elle m'a proposé d'aller me chercher des aspirines à la pharmacie en face de l'Inno, j'ai refusé lui disant d'achever son repas et suis allée moi-même, cela m'a sauvé la vie et pris la sienne. Pétrifiée, j'ai vu voler en éclats les vitres de la façade de ce magnifique édifice signé Horta, j'ai vu des femmes défenestrées, il se disait alors que les autres avaient pu sortir par les portes du Bon Marché, ce qui était faux, il y a eu plus de 300 victimes. Pourquoi ai-je revécu si intensément ce drame ? Je ressens à nouveau cette très forte culpabilité d'alors. Peut-être à cause de la dernière phrase de ce cauchemar : « tu n'es jamais venue me voir ». En effet, un mémorial a été érigé au cimetière d'Evere, je n'y suis jamais allée... jusqu'à présent. Le thé de ce matin avait une saveur salée, celle des larmes que je ne parvenais pas à contrôler, incapable de me sortir de ces violentes émotions négatives. Même dans mon jardin j'ai eu du mal à retrouver mes esprits, il m'a fallu toute la matinée pour commencer à me sentir mieux. Mais la Nature dégage tellement d'ondes positives, de force à travers le tronc des hêtres, du chêne et du charme que petit à petit j'ai retrouvé mon calme et j'ai même accepté d'aller manger au restaurant avec mon mari, cela m'a fait du bien.
Rentrée à la maison, je me suis déchaînée au jardin.
45 cosmos tricolores qui, dans quelques semaines, recouvriront les jardinières.
Ce sont des fleurs très florifères à condition de couper au fur et à mesures celles qui sont fanées. Elles remplaceront les zinnias qui n'ont jamais poussé, peut-être que les graines étaient trop vieilles? http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2015/04/en-avril-ne-te-decouvre-pas-dun-fil.html.
Un petit tour pour admirer ces azalées blanches qui se sont plus ici alors que quand je l'ai reçue, elle était minuscule et forcée. Personne ne croyait à sa résurrection... sauf moi.
Evidemment, LE parterre :
les pivoines sont toutes en boutons
mais ce sont les delphiniums qui ont le plus poussé.
Le massif est de plus en plus opulent. Je me sens de mieux en mieux, des pensées plus positives me reviennent et je pense maintenant à ma chère Michèle dont c'est aujourd'hui l'anniversaire.
Un thé pour la fêter :
On va se revoir griffé ThéÔdor. Parce que Mich, je te le promets, on va se revoir au mois de juin.
Et en savourant ce nectar si rafraîchissant, d'autres images, celles de mon très court voyage là-bas http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2014/03/retrospective-chapitre-iii.html mais fabuleux, notamment cette exposition: http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2014/03/le-une-culture-partagee-entre-le-maroc.html.
C'est sur ces beaux souvenirs, eux aussi encore très présents, que je veux rester aujourd'hui après ces émotions négatives et le mal-être qui s'en est suivi. Le ciel est redevenu bleu comme je l'aime, au propre comme au figuré.

3 commentaires:

Lune a dit…

Evocation qui remonte les souvenirs. J'étais pensionnaire et ns fûmes mises au courant par la surveillante... Je me souviens de ma terreur, ma sœur était étudiante à l'ULB, l'imagination s'était mise en route (et pas cette horrible réalité que tu as vécue) heureusement elle ne s'était pas rendue au centre.
Autre chose : dans l'article précédent, tu évoques cette ébriété (celle dont je t'avais parlé et qui me revient quelquefois au point que je "consomme" le thé mais très sobrement).
Cordialement. Lune

Anonyme a dit…

Un grand merci pour les bouquets de fleurs et la tasse de thé (virtuel😉) que tu partages avec moi a l'occasion de mon anniversaire. A bientot. Bizouille Bizouille . Mich

Francine a dit…

@ Lune: je pense que ce drame a marqué tous les Belges de l'époque. Concernant l'ébriété liée au thé, je me souviens effectivement que tu m'en avais parlé; il faut absolument que je me renseigne sur ce phénomène bizarre.

@ Mich.: ce fut avec plaisir! Quand je pense que ta maman travaillait à l'Innovation à cette époque... Heureusement elle avait autre chose à faire ce jour-là! A très bientôt, bisou

@ Toutes les deux: bonne fin de soirée, bons thés