La
semaine dernière a été difficile, j'aurais dû être à Paris
jusqu'à dimanche, j'aurais voulu découvrir la féerie de Noël
avant même saint Nicolas, non pas que je préfère le barbu du nord,
il ne fait pas partie de ma culture, mais pour découvrir les
nouvelles créations de l'Insolent parisien dans cette boutique
éphémère qui doit être à l'image de ThéÔdor
à
la fois sobre et très chic. Non je n'ai pas viré ma cuti, je
n'apprécie pas les thés de Noël classiques, trop parfumés à mon
goût, limite écœurants. Sauf dans les desserts: mousse au
chocolat, gâteaux et glaces:
http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2008/12/ce-fut-nol-avant-lheure.html
. Mais quand j'ai lu la description de ces nouvelles créations,
j'étais très impatiente de les découvrir, ces parfums aux notes
boisées m'évoquent tellement la nature: "Thé
noir aux notes dominantes de mousse de chêne, romarin, cranberry ;
thé vert notes de bourgeons de pin, verveine, baies de genévrier et
groseille ; thé blanc notes de cèdre, basilic, mûres".Je
sais où je pourrai les trouver mais j'aurais voulu les savourer en
compagnie de ma famille du thé... Mais je sais où je pourrai
bientôt les trouver.
Ce samedi matin, le ciel est gris et quasi
sans lumière et au sol, les premières gelées blanches,
c'est
le moment de choisir un thé de lecture, doux mais qui réchauffe
et de me replonger dans ce livre-bijou dont certains passages m'ont
littéralement bouleversée.
J'aime les parfums qui se dégagent
de la théière lors de l'infusion, et que dire de ces notes à la
fois boisées et légèrement miellées dans ma tasse... Aux émotions
gustatives succèdent maintenant celles tout aussi intenses que
provoque cette re-re-relecture dont je peux redire par cœur certains
passages, entre autres : "La
neige est un poème. Un poème qui tombe des nuages en flocons blancs
et légers".
Tout le livre tourne autour de ces deux mots : neige et Neige...
Yuko, le héros de l'histoire, est né dans une famille aisée, son
chemin était tout tracé, il n'avait que deux choix : la
religion et l'armée. Alors quand il annonça à son père qu'il
voulait devenir poète, celui-ci lui répondit :
"La poésie n'est pas un métier, c'est un passe-temps. Un
poème, c'est une eau qui s'écoule. Comme cette rivière". Sa
réponse fut : "C'est
ce que je veux faire. Je veux apprendre à regarder passer le
temps". Yuko
aime les haïku, la neige et le chiffre 7 : "Le
chiffre 7 est un chiffre magique. Il tient à la fois de l'équilibre
du carré et du vertige du triangle. (...) Il avait promis à son
père d'écrire seulement 77 haïkus par hiver. Le reste de l'année,
il resterait à la maison et oublierait la neige". En
voici un des derniers :
"Neige
limpide
Passerelle
du silence
Et
de la beauté"
Je
ne suis toujours pas attirée par cette poésie particulière,
peut-être parce que les haïku sont traduits et n'ont donc pas la
musicalité des sons du japonais, mais aussi et surtout parce que
certains n'ont rien de poétique (pour moi) :
"Femme
accroupie
Urine
et fait fondre
La
neige"...
Je
retrouve les mêmes émotions que lors de mes lectures précédentes
même si le sujet improbable des haïkus (la neige !) me fait
frissonner !, particulièrement ce sublime passage extrait
d'une conversation entre un poète de la cour et le jeune garçon qui
lui dit : "Je
suis poète, j’écris des vers. Je n’ai pas besoin de savoir
autre chose pour accomplir mon art"
Il répondit : "Erreur.
La poésie est avant tout la peinture, la musique, la chorégraphie
et la calligraphie de l'âme. Un poème est un tableau, une danse,
une musique et l’écriture de la beauté tout à la fois. Si tu
désires devenir un maître, il te faudra posséder le don d’artiste
absolu. Tes œuvres sont merveilleusement belles, dansantes,
musicales, mais aussi blanches que de la neige. Il leur manque la
couleur, la peinture. Tu n’es pas peintre Yuko. C’est cela qui te
fait défaut. Simplement cela. Et c’est pourquoi, si tu ne
m’écoutes pas, ta poésie restera invisible aux yeux du monde".
Il lui conseille alors d’aller son vieux maître Soseki qui possède
l’art absolu. Ce qu’il fit. Ce qu’il ne savait pas c’est que
le vieil homme était aveugle, il se demandait ce qu’un aveugle
pourrait bien lui apprendre sur les couleurs et le dit à son
serviteur: "Ne te fie pas aux apparences. Cela ne sert à rien
qu’à se perdre". Arrivée à ce stade de ma lecture, j’ai
pensé à un autre livre sublime, le petit Prince : "On
ne voit bien qu’avec le cœur, l’Essentiel est invisible pour les
yeux".
Ce fut pour moi la plus belle partie de l’histoire, encore plus
bouleversante que le début, c’est ici qu’apparut Neige :
"Elle
était funambule et sa vie tenait en une seule ligne. Droite. (…)
C’était son destin. Avancer pas à pas. D’un bout à l’autre
de la vie".
Elle fut le grand amour de Soseki, à ses yeux :
"elle paraissait un poème, une peinture, une calligraphie,
une danse et une musique tout à la fois. Elle était neige et
représentait toute la beauté de l’art. (…) C’est ainsi qu’il
devint pour l’amour d’une femme, poète, musicien, calligraphe,
danseur. Et peintre".
C’est à cause d’elle qu’il devint aveugle. C’est grâce à
elle qu’il devint l’artiste absolu. "C’est
dans le noir le plus profond que Soseki a peint la blancheur, a
découvert la pureté. Ensuite il a découvert que la vraie lumière
et les vraies couleurs demeurent à jamais intrinsèquement liées à
la beauté de l’âme. (…) Du néant il a extirpé la quintessence
de l’art" Parmi
les dernières pages, je retiens tout particulièrement ce passage,
le dernier message de Soseki à son jeune élève : "(…)
En vérité le poète, le vrai poète, possède l’art du funambule.
Ecrire, c’est avancer mot à mot sur un fil de beauté, le fil d’un
poème, d’une œuvre, d’une histoire couchée sur un papier de
soie. Ecrire c’est avancer pas à pas, page après page, sur le
chemin du livre. Le plus difficile, ce n’est pas de s’élever du
sol, et de tenir en équilibre, aidé du balancier de sa plume, sur
le fil du langage. Ce n’est pas non plus d’aller tout droit, en
une ligne continue parfois entrecoupée de vertiges aussi furtifs que
la chute d’une virgule, ou que l’obstacle d’un point. Non, le
plus difficile, pour le poète, c’est de rester continuellement
sur ce fil qu’est l’écriture, de vivre chaque heure de sa vie à
hauteur du rêve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce qu’un
instant, de la corde de son imaginaire. En vérité, le plus
difficile, c’est de devenir un funambule du verbe"
. Comment ne pas être émue face à de tels propos, même après
trois lectures… Et il y en aura d’autres, c’est certain !
Et dire que j’aurais pu découvrir ce trésor bien plus tôt. Mais
j’avais tellement aimé Opium que j’avais peur d’être déçue.
Maxence Fermine en a écrit d’autres, je sens que je vais me les procurer,
même si certains titres … Mais il faut redescendre sur terre, si
tout va bien, je serai absente demain, il faut que je prépare de
quoi sustenter mon mari. Ce soir après le souper, retour dans mon
cocon.
Il fait glacial dehors, ce Kyo-Bancha griffé Azumaya
me réchauffera.
Pour me mettre dans l’ambiance de demain, je
réécoute ces contes japonais, et décidément si j’aime les
textes, je ne supporte pas la voix de la conteuse, ce fut déjà ma
première impression (
http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2015/08/et-ca-continue-de-plus-belle.html
) et cela se confirme malheureusement. J'arrête le disque et je lis
à haute voix les histoires si joliment illustrées.
Par contre,
les saveurs puissantes de l’infusion me plaisent, j'ai un fou rire
en me rappelant certains commentaires, entre autres ici :
http://la-theiere-nomade.blogspot.be/2016/01/troisieme-week-end-de-janvier-encore.html
...
Mes pensées s'envolent vers Anvers et plus particulièrement
le Japon... Ce dimanche j'ai raté le train de 8h34, le suivant est à
... 10h34.
D'habitude, il y en a un toutes les heures mais à
cause des travaux, il y en a seulement toutes les deux heures. Dans
le train, la préposée contrôle mon billet, et me dit que celui-ci
est valable pour les seniors à partir de 65 ans,
"il faut donc les avoir madame".
A son ton de voix et son air renfrogné, j'ai senti qu'elle ne
plaisantait pas. Je lui propose alors de lui montrer ma carte
d'identité, lui disant que je n'était plus dans la tranche des 60
depuis plus de 5 ans. Elle s'est alors radoucie, elle m'en donnait à
peine 60 ! Nous étions 4 dans le petit wagon de première, cela
a permis de faire connaissance, entre seniors !
La gare
d'Anvers est magnifique, elle me fait penser un peu à Grand Central,
pourquoi ? Je n'en sais rien, elle n'a rien à voir mais j'ai l'esprit vagabond sans doute.
Dans le train, j'ai lu le SMS de Cathy m'annonçant que je devais
prendre un pique-nique, il n'y a rien au Vlaamsekaai. Et moi que
rêvais de manger japonais...
Je me dirige alors vers Le
Royal, une brasserie à
la magnifique architecture. En regardant la table d'à côté, je
choisis le même menu :
un croque-monsieur aux champignons
des bois, un vrai délice.
Pour suivre, un vol-au-vent, et là
c'est autre chose, positivement immangeable, le poulet est plutôt un
vieux coq très coriace, et les choux de Bruxelles (que j'aime
pourtant) n'ont rien de frais, trop cuits et certainement surgelés.
Je le laisse et je veux me consoler avec un thé...
mais "hier
mevrouw, alleen maar koffie".
Il était vraiment excellent et m'a rappelé ma folle jeunesse,
j'étais alors caféinomane, on verra ce que mon estomac va en
penser.
J'ai hâte de revoir mes amis, "ma
famille anversoise du thé",
mais ce sera pour demain... Je suis fatiguée et je ne veux pas rater
LA lune ! Le voyage de retour fut épique, vu les travaux le
train est resté à l'arrêt plus de 20 minutes, il n'y a qu'une voie
disponible et il fallait attendre que deux train express passent...
no comment ! Je suis restée cependant très zen, il y a de
l'école Urasenke dans cet état... J'en dirai plus demain
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